"Nous devons correspondre assidûment"- c'est à partir de cette invitation lapidaire de Vincent Van Gogh le 13 décembre 1872 que se développe en l'espace de presque deux décennies un chef d'œuvre littéraire. Plus de huit cents de ses documents ont pu être conservés surtout grâce au zèle de collectionneur de Théo Van Gogh.
En lisant la correspondance de Van Gogh, on s'aperçoit que pour lui, la peinture est intimement liée à la poésie. C'est ainsi qu'il cherche, par le biais d'une description vivante, à supprimer l'écart entre le tableau et la réalité … : " au-dessus des toits de tuiles rouges passe un vol de colombes blanches, entre les cheminées noires et fumantes. Derrière, une surface infinie de vert fin, moelleux, des kilomètres et des kilomètres de plat pays, de pâturages et un ciel gris - aussi calme, aussi paisible que Corot et Van Goyen" - n'a-t-on pas l'impression, avec cette vue d'un paysage ( lettre 219 ), de se trouver devant un tableau ?
Le jeu que Van Gogh pratique avec les nuances d'une description proche de la nature ou artificielle révèle qu'il désire donner à ses lettres, outre le message de ses sentiments personnels, un ton souple et obligeant tout en s'orientant à l'habileté linguistique d'un Zola. Cette éloquence est une des principales valeurs littéraires attribuées à sa correspondance. D'autre part, les lettres de Vincent accompagnent le processus de création de ses tableaux. On retrouve les traces de ses toiles dans des remarques concernant un motif, le choix d'une couleur ou les circonstances ayant permis l'exécution d'un tableau. Van Gogh ne s'exprime verbalement que dans ses lettres, pour la plupart destinées à son frère Théo. Ce dernier devient ainsi le public immédiat des déclarations picturales de Vincent. C'est dans les actes parallèles à l'écriture et à la peinture, qui sont en même temps réduits à s'adresser à une seule personne, Théo, que Vincent se prend au sérieux dans sa vie. Ce n'est qu'ici qu'il se considère comme un être capable de créer des valeurs effectives, utiles.